J’avais posté rapidement quelques photos sur le blog sous l’intitulé :
« potager de Kavumu, projet en gestation ».
A présent, il est temps de lever le voile sur ce ½ ha de terre arable qui fait partie du jardin et qui a été déterminant dans le choix de la maison en pleine ville. (mai 2012)
Après avoir pris le temps de nous installer et de trouver le "kit de démarrage" pour tenter de comprendre la culture de notre nouvelle terre d'asile, je me lance dans un vaste projet de maraîchage.
En quelques mots, je souhaite créer une asbl d’économie sociale et de formation avec des femmes de la colline de Kavumu qui jouxte le jardin.
Ce projet est constitué d’un volet économique via la production et la vente de légumes"'rares" et d'un volet formatif.
Les marges bénéficiaires issues de la vente permettront le développement de l'activité de formation visant l’appropriation des techniques culturales expérimentées sur le « potager-école » et leur transfert vers les parcelles des bénéficiaires.
Ce projet a pour ambition de lutter très modestement contre la malnutrition chronique (retard de croissance) des enfants qui touche 58% d'entre eux, ce qui fait du Burundi un des pays les plus pauvres de notre planète et à la plus forte prévalence de retard de croissance des enfants en Afrique.
Ces résultats révèlent également qu'au Burundi, le retard de croissance des enfants est près de deux fois plus élevé en milieu rural qu'en milieu urbain.
Selon Souleymane
Diabaté, représentant a.i. de l'UNICEF au Burundi: "Il est
possible de rompre le cycle de la malnutrition de l'enfant à condition de
concentrer les interventions sur les groupes les plus vulnérables et pendant
les trois périodes dites "fenêtres d'opportunité" au cours
desquelles le bénéfice des interventions est le plus élevé".
« Ces
fenêtres d'opportunité se situent pendant les 1000 premiers jours de vie
de l'enfant, durant l'adolescence de la jeune fille et pendant la grossesse de
la femme. Pour cela, il faut que la nutrition fasse l'objet d'un engagement
politique et financier fort et durable, et il faut agir maintenant ».
- Les causes de la malnutrition, qui contribue à environ 35 pour cent des décès d'enfants de moins de cinq ans dans le monde, ne sont pas seulement nutritionnelles : elles relèvent aussi de l'insuffisance d'accès et de la faible qualité des services sociaux de base en matière d'éducation ; de la protection ; de l'agriculture ; de l'eau, hygiène et assainissement. Parmi les facteurs déterminants de malnutrition des enfants au Burundi figurent également la forte démographie et le faible accès à la terre ; les problèmes de quantité (faible production), de qualité (manque de diversification) et de pratiques alimentaires inappropriées. Des études ont montré que la malnutrition chronique chez les enfants de moins de deux ans peut entraîner des dégâts irréversibles - faible développement du cerveau, déficiences physiques et mentales - pour le reste de leur vie.
Le programme de formation sera constitué de 5 axes:
- Apprentissage des techniques culturales sur le potager-école (semis, pépinière, fumage, irrigation, entretien, récolte, conservation, récupération des semences, ...).
- Transfert des compétences et renforcement des capacités sur parcelle pendant et après la période de formation.
Les femmes planteront sur leurs parcelles à l'ombre du maïs, du manioc et des patates douces qu'elles cultivent déjà, les légumes "au goût local" qu'elles auront appris à faire pousser en pépinière .
Les légumes ciblés reposent sur 3 critères: ils doivent correspondre à leur goût, disposer de propriétés nutritives élevées et ne doivent pas se substituer à une culture existante.
Actuellement, bien que ces légumes constituent un apport nutritif quotidien important, ils sont réservés en raison de leur prix, aux classes les plus aisées.
- Modules de cuisine/hygiène alimentaire.
- Modules d'éducation à la santé au sens large (prévention malaria, info sur le contrôle des naissances, vaccination des bébés, ...).
- Appui matériel: houe, arrosoir, engrais, semences, plants en pépinière, ...
L’ambition bouscule le régime alimentaire constitué, pour l'immense majorité de la population, exclusivement de pâte de maïs, manioc, patate douce, haricots, de concentré de tomate et très rarement de viande.
Quels légumes trouve-t-on à Bujumbura?
Au marché, on trouve bien sûr des patates douce, du maïs, du manioc et des haricots, mais aussi des tomates, courgettes, aubergines, choux, carottes, concombres, ... Ces légumes sont produits à Bugarama où les températures plus fraîches dues à laltitude élevée (2000 M) permettent une récolte abondante et constitue le grenier à légume de la ville de Bujumbura. Cependant ils ne sont consommés que par les expatriés et les burundais des classes aisées.
Seule Gillian, biologiste sud africaine reconvertie dans le maraîchage, produit chez elle des légumes feuilles (salade, épinard, roquette, bettes, ...), des herbes aromatiques et des tomates cocktail, … qu’elle distribue nettoyés, stérilisés et conditionnés sous plastique dans les quelques rares et très onéreuses supérettes pour « muzungu » (blancs).
A la rencontre des femmes de la colline :
Afin de mieux connaître le public cible avec lequel je souhaite travailler, je passe ½j/semaine au centre médical de la colline où j’aide à la vaccination des bébés (polio et BCG) et aux consultations prénatales. Cela me permet de discuter avec les femmes et d’évaluer plus concrètement leurs besoins. Ces rencontres constituent une source d’information précieuse car elles me parlent de leur quotidien, l’organisation familiale, la répartition des tâches au sein de celle-ci, la culture, l’école des enfants, la préparation des repas, les carences alimentaires, le pouvoir d’achat, l’emploi des hommes, des femmes, le nettoyage du linge à la rivière et surtout le temps réservé à ces nombreuses tâches.
Ban Ki-moon, a déclaré « Investissons dans les femmes rurales, éliminons les discriminations dont elles sont victimes en droit et en pratique, veillons à ce que les politiques répondent à leurs besoins, garantissons leur le même accès aux ressources qu’aux hommes et accordons-leur un rôle à jouer dans la prise de décisions »
A la recherche de matière grise : plouf
Dans un élan de dynamisme, consciente de mon incurie en matière de maraîchage, j’ai tenté une collaboration avec un ingénieur agronome burundais soldée après 5 jours.
Expérience rocambolesque, en particulier lorsque je lui ai signifié que nous allions en rester là. Son expertise était à la hauteur de ma seule expérience de culture de courgettes il y a 10 ans.
C’est à ce moment que j’ai pris le décalage culturel en pleine figure et toute la mesure de l’inégalité entre hommes et femmes. J’enrage encore, non pas de son incompétence technique, mais bien pour son mépris qu’il a à l’égard des femmes.
En attendant, j’ai lancé une bouteille à la mer, du côté des universités en agronomie à la recherche d’un mémorant tenté par l’expérience et je me documente sur internet lorsque la connexion le permet.